Samedi 13 avril, à 14h 30, dans les locaux de la SALSA, Joël Rieser a donné une conférence, présentant les étapes de la construction du château de Châtenois (près de Saulx), devant une assistance d’une quarantaine de personnes. Le long du chemin médiéval qui reliait Luxeuil à Montjustin, la seigneurie de Châtenois a vu s’ériger et prospérer un château. Après les baronnies de Châtenois et de La Villeneuve, réunies à la seigneurie de Saulx, le marquisat est créé en 1725 ; Paul-François de Saint-Mauris commence à améliorer le château existant. Puis, Charles-Emmanuel-Xavier de Saint-Mauris reconstruit cette bâtisse. C’est le célèbre architecte bisontin Jean-Pierre Galezot (1686 – 1742) qui élabore, en 1740, le projet comprenant un rez-de-chaussée, un étage et des « louvres » au dernier étage. Les travaux se déroulent de 1741 à 1744. À la fin de 1742, le défunt Galezot est remplacé par un autre célèbre architecte bisontin, Nicolas Nicole. Le Vésulien Jean Gruyer sera aussi sollicité. Au cours des travaux, tous les matériaux de l’ancienne construction sont réutilisés. M. Rieser indique les étapes et les différents corps de métiers qui se sont succédé, des portes et fenêtres, aux décorations intérieures, en passant par les crépis et les jardins, les sculptures extérieures et les projets de jeux d’eau. Les documents présentés personnalisent ces étapes, plans d’architectes, élévations et coupes, plans du vaste parc… Deux tableaux, plus ou moins stylisés, montrent des vues du château de Châtenois, dont celui qui, peint par C. Mercier, est actuellement à la Fondation Saint-Mauris, à Saint-Aubin-sur-Loire (en Saône-et-Loire). Polycarpe de Saint-Mauris émigre en 1792, le château est vendu comme bien national, la bibliothèque dispersée. Le château est acheté par des notables de Saulx, mis en location, en partie pillé. Les Saint-Mauris n’ont pas abandonné l’idée de récupérer leur ancienne propriété. Cela sera fait par Édouard de Saint-Mauris. Le château disparaitra vers 1880. Il reste, in situ, un mur, le portail d’entrée, la maison de gardien. Les souvenirs et archives, sont maintenant à Saint-Aubin, à la fondation Saint-Mauris. En deux heures de commentaires, de présentation de documents inédits, Joël Rieser n’a cessé de captiver son auditoire, répondant bien sûr avec son aimable compétence aux ultimes questions.
Aujourd’hui, il ne reste que peu de vestiges de ce que fut une belle demeure seigneuriale de l’Ancien Régime en Franche-Comté. Le portail d’entrée près de l’église et deux kilomètres du mur de clôture du parc, voilà les seuls indices visibles subsistant d’un très beau château, symbole de la réussite sociale d’une famille noble, les Saint-Mauris. En 1725, la famille obtient le titre de marquis par la réunion de deux belles terres, les baronnies de Châtenois et de La Villeneuve avec la seigneurie de Saulx. L’étape suivante, la construction d’un corps de logis à trois ailes consacre la réussite et l’enracinement en ce lieu de la branche dite des Saint-Mauris-Châtenois. Le nouveau château est l’œuvre de Charles-Emmanuel-Xavier de Saint-Mauris. Les plans furent dressés en 1740 par l’architecte bisontin Jean-Pierre Galezot, et les travaux débutèrent sous sa conduite dès l’année suivante, mais il décéda peu après ; ce fut un autre grand architecte comtois qui reprit la direction du chantier, Nicolas Nicole. Il fera évoluer le projet selon sa propre personnalité et en l’adaptant aux nouvelles tendances du moment. La construction et les aménagements du parc, s’échelonnèrent sur plus de deux décennies. Les archives sont bien renseignées : plans, élévations de façades, marchés avec les différents corps de métiers, permettent de préciser la consistance des travaux, le nom des entrepreneurs, artisans et même l’origine des matériaux. Le pari des architectes est réussi, l’ancienne maison-forte est devenue une demeure de plaisance très agréable, entourée de parterres soignés. Les tenanciers de Châteney, Châtenois et Creveney auront la charge de reboucher les anciennes douves, se libérant ainsi, dans un dernier effort, de l’obligation d’entretenir les fossés du château. Le parc très vaste, d’une superficie de plus de 30 hectares, aux allées ombragées de tilleuls et autres espèces, n’est pas encore pleinement achevé lorsque les cartographes de Cassini en dessinent et gravent le plan sur leur célèbre carte dressée vers 1770. Plus encore que dans l’architecture des bâtiments, la richesse des propriétaires et leur bon goût apparaissent dans la qualité des meubles et des décorations. Une belle bibliothèque comprenant des ouvrages de mathématiques et de sciences, un cabinet de physique dénotent l’esprit curieux et scientifique du second marquis de Saint-Mauris.
Vendu comme bien national pendant la Révolution, le château est acquis par des notables de Saulx, et mobilier et bibliothèque sont dispersés. À son retour d’émigration, la famille, désormais installée à Colombier, devra patienter jusqu’au milieu du XIXe siècle pour redevenir propriétaire des bâtiments et du parc. C’est sur une partie du domaine mise à disposition de la commune que sera reconstruite l’église néo-gothique du village. La famille érige alors dans le parc une chapelle funéraire privée. Quelques éléments, le monumental et élégant portail d’entrée, la maison de gardien sont visibles depuis la voie publique. Des portraits de famille et des tableaux représentant la famille royale sont regroupés et mis en valeur au château de Saint-Aubin-sur-Loire, en Saône-et-Loire, dans les locaux de la fondation Saint-Mauris, créée par la génération actuelle des Huart-Saint-Mauris.